
Faire germer nos luttes : cultiver la résistance, prendre soin du monde.
Planter une graine, c’est un acte de foi. C’est croire qu’un jour, malgré la pluie, malgré la sécheresse, malgré l’adversité, quelque chose poussera. Cultiver des fleurs et des légumes de façon éco-responsable est déjà un engagement politique. C’est refuser un modèle agricole destructeur qui épuise les sols, tue la biodiversité et alimente un système où seule la rentabilité compte. C’est aussi une manière de reprendre du pouvoir sur nos vies, face à une industrie agroalimentaire qui nous vend des aliments ultra-transformés sous plastique, des légumes sans goût produits par des travailleur.se.s surexploités, des fleurs remplies de produits chimiques.
Mais ce que je fais ne s’arrête pas à la terre que je travaille. Prendre soin du sol, c’est aussi prendre soin des autres. Dans un monde qui nous pousse à l’épuisement, où la capitalisme valorise la productivité au détriment du bien être, cultiver la lenteur, le partage, la résilience, c’est résister. C’est refuser cette logique qui nous pousse à croire que nous devons nous rendre utiles à tout prix, que notre valeur dépend de ce que nous produisons.
Et pourtant, pendant qu’on s’efforce de créer du beau, du nourricier, du vivant, les forces réactionnaires prennent de l’ampleur. La fascisme, le racisme, la transphobie, le patriarcat, tout cela est lié. Ces violences ne sont pas des accidents. Elles sont le produit d’un système qui prospère en divisant, en isolant, en maintenant les oppressions pour que rien ne change.
Le capitalisme a besoin du patriarcat.
Il a besoin de femmes et de minorités de genre sous payées ou maintenues dans des rôles invisibles de soin et de reproduction sociale. Il a besoin du racisme pour justifier l’exploitation de certaines populations, ici et ailleurs. Il a besoin de la transphobie et de l’homophobie pour préserver un ordre social rigide où chacun.e doit rester à sa place sous peine d’être exclu.e, puni.e, réprimé.e, violenté.e.
L’attaque contre les droits des personnes trans en est un exemple flagrant. Partout, on assiste à une montée de lois anti-trans, à des discours haineux, à une tentative de nier l’existence même des identités trans et non binaires. Pourquoi ? Parce que les personnes trans remettent en question l’ordre établi, elles prouvent que le genre n’est pas une fatalité, que nos corps, nos vies, nos existences peuvent être vécus autrement que dans les cases que le patriarcat impose. Et c’est précisément cette remise en cause qui dérange. En défendant les droits des personnes trans, on ne défend pas seulement une communauté ciblée par la haine : on défend un monde où chacun·e peut être libre d’exister sans avoir à justifier son identité. On défend un féminisme réellement inclusif, une lutte contre les oppressions qui ne laisse personne derrière.
Le capitalisme a aussi besoin de guerres et de génocides.
L’histoire et l’actualité le montrent : les conflits armés ne sont jamais des rivalités entre nations, ils sont alimentés par des intérêts économiques, par la volonté d’accaparer des ressources naturelles, par le besoin de maintenir un ordre mondial qui profite à une poignée d’élites. Derrière chaque guerre, il y a du pétrole, du cobalt, du lithium, des terres rares. Derrière chaque génocide, il y a la volonté d’éliminer ceux et celles qui résistent, ceux et celles qui refusent de se soumettre à la logique coloniale, à l’exploitation, à l’effacement de leur culture et de leur existence.
Prenons en exemple l’accès à la terre : qui possède la terre aujourd’hui ? Dans la plupart des pays, ce sont les grandes entreprises, les élites économiques, rarement les populations autochtones, les femmes, les personnes issues de classes populaires. L’agriculture paysanne et ancestrale, pourtant essentielle pour nourrir le monde, est dévalorisée, étouffée sous les dettes et les règlements pensés pour favoriser l’agro-industrie. Et si on parle d’écologie sans parler de ça, sans parler des inégalités d’accès aux ressources, on passe à côté du problème.
Un autre exemple : le soin. Prendre soin de soi et des autres devrait être au centre de nos vies. Pourtant, dans cette société, ce travail est invisibilisé, sous payé, exploité. Il repose en grande partie sur les femmes, et plus encore sur les femmes racisées, les personnes précaires, les travailleur.e.s migrantes. Que ce soit dans la famille, dans les métiers du care (soins, éducation, travail social) ou dans nos milieux militants, ce sont elles qui portent ce travail souvent sans reconnaissance ni compensation. Et ce n’est pas un hasard : le patriarcat et le capitalisme se nourrissent de cette assignation au soin, en le présentant comme une “vocation”, un “instinct naturel”, alors qu’il s’agit d’un rapport de pouvoir, d’une division genrée et racialisée du travail qui permet au système de se maintenir.
C’est pourquoi je crois à la convergence des luttes. Parce qu’on ne peut pas défendre une écologie qui ne prend pas en compte la justice sociale. Parce qu’on ne peut pas parler de bien-être sans dénoncer les systèmes qui nous broient. Parce qu’on ne peut pas cultiver la terre sans s’opposer aux logiques qui l’empoisonnent pour en extraire toujours plus de ressources.
Mais alors, que faire ? Par où commencer ?
L’engagement n’a pas besoin d’être grandiose pour être essentiel.
Changer nos habitudes de consommation, soutenir des agricultures locales et respectueuses, refuser la course à la productivité et défendre le droit au repos, militer contre les oppressions, éduquer, créer des espaces de solidarité, remettre le soin et la justice au centre de nos vies… chaque geste compte. Ce n’est pas aux individus seuls de porter tout le poids du changement, mais nos choix collectifs façonnent le monde de demain.
L’important, c’est d’agir ensemble, de se relier, de bâtir des résistances qui nous ressemblent.
Alors plantons. Résistons. Prenons soin. Ensemble.

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